L’urbanisation dakaroise est ancienne, et les territoires urbains littoraux intéressent depuis longtemps les populations locales, nationales et internationales. Encore en 1980 pourtant, la Collectivité léboue allouait des parcelles d’habitation dans les quartiers périphériques de Ouakam ou de Ngor, car aucun Dakarois ne voulait s’aventurer aussi loin. Mais la ville s’étalait et il fallait loger toujours plus d’habitants. Aujourd’hui, ces terrains sont parmi les plus chers du département, et les prix de l’immobilier ont grimpé à une allure folle, avec de nombreuses répercussions sur l’espace littoral.
En 2008, le rapport
d’enquête de l’ONG Aide et Transparence a procédé au relevé minutieux des cas
avérés de violations du DPM dakarois ; il mentionne un ensemble d’acteurs
corrompus : « administrateur, promoteur, élu local, agent technique,
courtier, autorité coutumière, agent assermenté et intermédiaire douteux »,
qui parviennent à « passer à travers les mailles parfois trop larges d’un
corpus juridique et réglementaire encore inadapté voire aveugle à la tyrannie
d’une petite poignée d’apparatchiks ». Ce rapport précise enfin que les
pêcheurs/mareyeurs lébous sont les « grands perdants de cette ruée
vers le DPM car ils ne représentent que 5% des tenants du DPM » (dont la
superficie totale avoisine les 10.000m2 pour le littoral
dakarois). Pourtant, ces derniers avaient largement contribué à la
privatisation de ces terres, comme en témoignent des Lébous eux-mêmes.
Socio-économiste spécialiste des pêcheries artisanales et industrielles au Sénégal, Adama Mbaye livre ici son point de vue à propos de la responsabilité de la communauté léboue dans la vente du littoral dakarois :
Socio-économiste spécialiste des pêcheries artisanales et industrielles au Sénégal, Adama Mbaye livre ici son point de vue à propos de la responsabilité de la communauté léboue dans la vente du littoral dakarois :
Ce
n'est plus un territoire lébou, c'est un territoire national, donc la réglementation
de la république léboue ne domine plus. Avec l'arrivée des Sérères, des Wolofs,
des Niominkas, au début du 20ème siècle, tous peuvent prétendre
acheter une concession [1]
léboue. Le Lébou est alors soumis à ce clientélisme, on assiste à la séparation
des noyaux domestiques ; passage obligé car ils sont nombreux à vivre dans un
petit espace. Et ils sont responsables de ces mutations ! Tout ce qui est
champ, ce sont eux qui l'ont vendu. Ils vendaient les terres mais pas les
maisons où ils s'entassaient, car là vivait leur génie de la famille. Mais
maintenant ils doivent se séparer car ce n'est plus viable de continuer à se
reproduire dans un tout petit espace. Alors qu'ils auraient pu se déployer
avant sur leurs champs ! Mais c'était à cause de ces considérations
métaphysiques. Ils n'avaient pas pensé qu'il y aurait un jour une telle
pression démographique. Car ils aspirent à une meilleure condition de vie
aujourd’hui. Mais même à Yoff, Ouakam et Ngor, on ne peut plus parler de
territoire lébou, ils sont parfois minoritaires dans leurs propres quartiers !
[1] Le
terme concession vient du régime domanial et est devenu le support foncier de
toute habitation dans l’usage populaire.
[2] Voir les ouvrages consacrés au Sénégal publiés aux éditions Karthala (Diop A. B., 1981 ; Diop M.-C. et Diouf M., 1990 ; O’Brien D. C., Diop M.-C., Diouf M., 2002 ; Diop M. C., 2002, 2013)
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