Salimata le Gaindé, documentaire sonore.
Les génies des lieux.
Chez les Lébous majoritairement islamisés depuis la fin du
19ème siècle, la création de l'humanité est aujourd’hui imputée à Adam et Eve.
La perte de la connaissance du mythe fondateur* des hommes et des génies, au profit du mythe musulman, marque une imprégnation
dominante de la culture léboue par l'islam. Pourtant, nombreux sont ceux qui
continuent de rendre hommage à leurs génies selon un panthéon qui s’organise en
trois catégories de genre : personnel, familial ou villageois.
Les Lébous se représentent le littoral, et celui de la Presqu’île du Cap-Vert en particulier, comme un territoire abritant des génies et marqué par le culte qui leur est
rendu.
Les croyances et pratiques religieuses léboues, animistes
comme musulmanes, sont indissociables du territoire littoral. Comprendre leur
culte est alors essentiel à l’appréhension de cette collectivité.
Les lieux où vivent les génies des Lébous sont redoutés de tous, même si
leur localisation exacte est souvent incertaine. Il règne une sorte de
superstition collective à Dakar qui fait que la majorité des citadins pense que
le domaine maritime est du ressort de ceux qui le connaissent le mieux et sont
à même de comprendre ces espaces côtiers jugés comme mystérieux. Une jeune
étudiante en droit, se présentant comme peule, nous confie qu’elle vient ici
pour regarder l’océan et « réfléchir à ses problèmes tranquillement,
seule ». « C’est un autre monde », ajoute-t-elle. Elle ne
veut pas s’y aventurer trop car ça lui fait peur.
Canari dans une chambre des Rabs, à Ngor. © I.Sidibé, 2013.
Le culte des Rabs repose en grande partie sur la
relation de l’Homme à la mer. L'archipel des îles de la Madeleine est la
demeure de Deuk Daour MBaye, le génie tutélaire de Dakar ; l’île de Yoff
abrite le génie de Mame Ndiaré, le génie protecteur de Yoff. Ces îles ont en
commun d’être inhabitées. A Gorée, c’est une femme, Mame Coumba Castel.
Ngor et Gorée sont elles, habitées. En effet, c’est le génie protecteur qui
accepte où non que son île soit occupée par les humains. Et c’est parce qu’une
majorité influente des autochtones de la Presqu’île croient fermement à
l’existence de ces Rabs que les île de la Madeleine et l’îlot de Yoff
sont jusqu’à présent inoccupés.
Ces génies protecteurs, les Rabs, ne sont pas affilés à
une famille mais sont rattachés aux lieux. D’autres, leurs enfants aux dires de plusieurs individus enquêtés, vivent sur la Presqu’île, nichés souvent dans des falaises
et toujours près de la mer. Certains génies vivent dans des baobabs ou des
fromagers du village.
La cérémonie dénommée Tour est une cérémonie
collective qui rend hommage à ces génies du village, du territoire. Nous avons
interrogé les pêcheurs Lébous sur la date du prochain Tour à Yoff :
il n’a lieu qu’une fois par an, généralement en juin. Le génie de la mer, Mame
Diarra, en fait la demande, le plus souvent dans un rêve, à une prêtresse de
Yoff. Lors des Tours, la communauté léboue se cotise pour qu’un ou plusieurs
bœufs soient sacrifiés.
La pratique du Ndöep est propre aux Lébous :
c’est une cérémonie dans laquelle chants, danses et autres pratiques visent à
guérir un malade possédé par de mauvais génies. Le génie est alors celui de la
personne ou des personnes auxquelles le Ndöep est consacré.
Quand à l'islam, il est pratiqué par 90% des sénégalais. La majorité d'entre eux ont conservé leurs croyances animistes, et pratiquent donc un islam syncrétique.
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* « L'aïeule a mis au monde un enfant de sexe masculin ou féminin. Le placenta s'est transformé en serpent. Celui-ci s'est introduit dans le creux d'un arbre ou s'est caché dans un grenier. Une calamité s'est abattue sur le village et le serpent a offert eau, fécondité, bonheur, chance, ... en contrepartie de la nourriture rituelle. Les hommes ont accepté le pacte et le Rab s'est attaché au lieu. » (Zempleni et Rabain, 1965)
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